L'EPR : quelles énergies pour demain ?

Françoise DUTHEIL

le 27/09/03

Dans le cadre de la programmation pluriannuelle des investissements de production, un grand débat public démocratique a été ouvert qui sera suivi d’une loi d’orientation sur l’énergie à voter par le Parlement au dernier trimestre 2003.

Le Parti Radical souhaite ouvrir clairement les données de base de ce grand dossier.

1°/ le " droit d’accès à l’énergie " pour tous les pays en développement

Deux milliards d’individus n’ont pas encore accès à l’électricité. Dans les 50 prochaines années, l’ONU estime que la population augmentera d’environ 3 milliards de personnes, les consommations, essentiellement à base d’énergie fossile, de 50%, et celles d’ électricité au rythme d’un doublement entre 1990 et 2020. Même avec des programmes drastiques d’économie dans les pays riches, on devra accroître la production d’énergie, sauf à dire aux pays pauvres qu’on ne veut pas partager ! 

l’énergie est indispensable pour rompre le cycle de la pauvreté et du sous-développement

 

2°/ un axe prioritaire : la lutte contre les gaz à effet de serre (GES)

Face à une catastrophe annoncée quasi irréversible, développer les énergies " moins réchauffantes " est devenu la priorité de toute politique énergétique et rend impérieuse la nécessité de diviser par 2 au niveau mondial les émissions de GES avant 2050. Mais la division par 2 au niveau mondial signifie une division par 4 ou 5 dans les pays industrialisés, car il n’est pas question de pénaliser l’accès à l’énergie des pays émergents.

Il est temps de prendre conscience que notre modèle de développement n’est pas durable.

 

3°/ en France, le sujet de l’énergie nous concerne tous

Le secteur énergétique représente directement 3% de notre produit Intérieur Brut (PIB), 230.000 emplois, 26% des investissements industriels, et une facture de 23 milliards d'euros d’importations annuelles de combustibles fossiles polluants.

La consommation d’électricité française a augmenté de 2,7% en 2001, et autour de 2% en 2002 malgré le ralentissement  économique! D’ici 2020, à tendance constante, la consommation d’électricité augmenterait de 45%.

Or la France doit aujourd’hui importer pratiquement la totalité de sa consommation en combustibles fossiles (charbon, gaz, pétrole) qui fournissent 50% de sa consommation totale d’énergie. En clair, la France dépend des pays du Golfe, de l’Irak ou de la Russie pour son approvisionnement en pétrole, de l’Afghanistan, de la Tchetchenie ou de la Syrie pour les pays de transit, sinon de la Russie ou de l’Algérie quant à son approvisionnement en gaz.

" La concentration des réserves dans un nombre restreint de pays, laisse présager à moyen terme des tensions autour de l’accès à l’énergie. " (Mme N. Fontaine).

 

4°/ quels axes préconiser pour une politique énergétique en France ?

Les objectifs doivent répondre à 4 impératifs :

Sur cette base, nous préconisons les grands axes suivants :

En effet, leur production intermittente (plus ou moins de vent ou de soleil) rend difficile leur couplage au réseau national, car elle nécessite d’installer une production à peu près équivalente pour s’y substituer aux heures plates, plus un renforcement du réseau pour le transport particulier de l’électricité produite, le plus souvent depuis des lieux éloignés. A plusieurs titres, leur rattachement au réseau est donc plus coûteux.

La meilleure aide consisterait à mettre en place une incitation forte à la recherche sur l’amélioration des rendements et la baisse des coûts. Mais ces efforts pour être efficaces, doivent relever d’une logique très décentralisée et irriguer une multitude de petites équipes. Toutes les aides sous forme d’achat par l’EDF à prix élevés, sont à limiter dans le temps.

  • Les Energies fossiles et nucléaires relèvent d’une production de masse. Ces énergies à haute capacité énergétiques doivent être gérées en complémentarité, selon leur vocation la plus évidente :

* Les centrales au charbon particulièrement polluantes (gaz carbonique, soufre, méthane) seront déclassées pour un certain nombre à partir de 2008 ; par quelles énergies faudra-t-il les remplacer pour simplement maintenir la production d’électricité actuelle, sans polluer ?.

* Le gaz, les hydrocarbures liquides, non moins polluants, resteront utilisés pour la pétrochimie, la chimie, les solvants,, etc.. ainsi que, dans le moyen terme, pour les transports aériens et maritimes ; mais leur coût reste soumis aux fluctuations des cours mondiaux ;

* Le nucléaire, seule énergie qui ne génère aucun gaz à effet de serre et fournit le kWh le moins cher d’Europe (intégrant tous les coûts de la filière, y compris les provisions pour la déconstruction des centrales en fin de vie, ainsi que le traitement et le stockage des déchets nucléaires), a une vocation quasi exclusive aujourd’hui et pour les 30 ans à venir, qui est la production d’électricité, même si des cogénérations sont à envisager par la suite ;

La question des déchets nucléaires est réglée pour 95% d’entre eux. Pour les 5% de déchets à vie longue, des solutions techniques existent (de l’enfouissement réversible au brûlage), mises au point depuis 50 ans : il reste à valider les filières opérationnelles avec la rigueur et les exigences propres à l’industrie nucléaire, ce que la Loi Bataille de 1991 encadre parfaitement. C’est devant le Parlement que ces choix seront effectués en 2006.

 

5°/ Energie nucléaire ou Energies Renouvelables ?

Il faut cesser le querelles inutiles : il n’y a pas d’énergie diabolique, pas plus que d’énergie miracle. Il y a des industries qui ont chacune leurs contraintes et qui chacune apporteront une réponse partielles à l’ensemble. On ne peut parler de choix " alternatif ", mais d’un " Mix économique " : les ER n’émettent pas de carbone, mais les technologies en cause ont un niveau de maturité insuffisant pour affronter seules le marché. Le nucléaire paraît dans un premier temps le seul moyen de sécuriser notre fourniture d’électricité et lutter contre les gaz à effet de serre, avant que des solutions industrielles renouvelables ne relèvent effectivement le défi.

Aujourd’hui, les besoins mondiaux d’énergie sont couverts à 80% par des combustibles fossiles. On peut attendre vers 2050, que les ER répondent à 25-40% de la consommation globale. Le nucléaire, qui représente actuellement une part de 8%, devra alors au moins être multiplié par 2 pour que 50% de la consommation globale mondiale soit assurée par d’autres moyens que les combustibles fossiles, seul schéma crédible pour correspondre à une stabilisation des GES : le choix d’un nucléaire " durable " est un choix responsable à l’égard de la communauté humaine de notre planète.

 

6°/ Quel nucléaire ?:Tout est question d’horizon et d’agenda

Le choix entre les filières dépend directement des calendriers des différentes possibilités :

1- Agenda des possibilités de la 3ème génération nucléaire

L’enjeu actuel de l’EDF n’est pas de faire fonctionner 60 ans les centrales actuelles, mais bien de passer l’épreuve de 30 à 40 ans. C’est dans le cadre des troisièmes visites décennales de sûreté, après 2005 donc, que sera examiné leur fonctionnement jusqu’à 40 ans. Toutefois on ne peut être certain qu’un vieillissement générique, aujourd’hui insoupçonné, ne se produise. Si c’était le cas, on ne pourrait alors les remplacer que par des centrales à gaz, soit une production de 200 millions de tonnes de CO2 par an.

2- Agenda des possibilités de la 4ème génération nucléaire

La 4ème génération de réacteurs, cogénérateurs d’électricité et d’hydrogène dont 6 filières sont à l’étude aujourd’hui, ne pourra être disponible en pilote qu’en 2035, et commercialement qu’en 2040-2050, compte tenu des verrous technologiques subsistants : en tout état de cause, la France se doit, à l’intérieur d’organiser un nouveau pluralisme de la recherche, et sur le plan international ne pas faire cavalier seul et rechercher des partenaires dans le cadre de coopérations stratégiquement utiles.

3- La transition : la génération 3+ (le réacteur thermique de transition)

Entre 2015 et 2035-40, quelques soient les hypothèses sur les économies et les ER, on observe un " gap " entre besoin et offre, né de la nécessité de remplacer une part du parc arrivé à péremption. La seule nouvelle filière disponible alors sera ce qu’on appelle la génération 3+, à laquelle appartient l’ EPR. Cette étape apparaîtrait ainsi comme une condition essentielle d’une gestion souple et responsable de relais entre les deux générations, permettant de garantir le maintien des compétences industrielles nucléaires dans des conditions parfaites de sûreté, et aussi de mieux moduler les arbitrages entre nucléaire et autres moyens thermiques. Il s’agit d’un choix industriel répondant aux signaux du marché.

A cet égard, l’EPR apparaît comme le seul réacteur techniquement " avancé " (intégrant la sûreté maximale dans sa conception), performant (coût du kWh de 10% inférieur à ceux de G3 et du cycle combiné gaz) et " immédiatement disponible " sur le marché concurrentiel international (Framatome ANP a répondu ainsi à l’appel d’offres en cours de la Finlande), car il capitalise l’expérience industrielle de EDF, Framatome et Siemens, acquise sur l’ensemble des parcs français et allemands depuis 40 ans. La durée nécessaire aux autorisations administratives et à la construction d’un réacteur pilote étant de l’ordre de 6 à 7 ans, le moment est donc venu d’une prise de décision parlementaire.

4- l’aspect financier

Si l’on prend comme hypothèse de base que l’EPR représente le bon choix pour le réacteur thermique de transition, l’investissement initial est élevé : à raison de 4000MW par an, il faudrait mobiliser environ 5 milliards d'Euros chaque année (en parallèle : 60 milliard$ pour développer le pétrole de la mer Caspienne).  Par contre, EDF pourrait ainsi étaler au maximum la période de déclassement des unités actuelles du parc.

Conclusions

Sauf à prendre des risques considérables sur la réponse à la demande d’électricité, il est indispensable de mettre en service industriel de nouveaux réacteurs dès 2020. Afin de disposer d’une garantie pour sa production d’électricité à l’horizon 2010-2015 (versus les ruptures de production d’électricité qui surviennent en Italie, en Espagne et en Allemagne), " la France doit engager sans délai la construction d’un démonstrateur-tête de série EPR ", selon les conclusions des Experts de l’Office Parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), conclusions que nous soutenons

Réacteur " évolutionnaire " (c’est à dire dérivé des réacteurs existants et capitalisant l’expérience acquise), l’EPR peut faire le lien entre le parc actuel et les réacteurs " révolutionnaires " qui pourraient être développés pour le plus long terme dans le cadre des travaux internationaux de R&D sur le Génération 4.

Il s’agit d’un enjeu stratégique car il influe sur la garantie de l’approvisionnement énergétique à long terme de la France.