DIVERGENCES SUR LES ENERGIES RENOUVELABLES

S'il y a bien une chose sur laquelle tout le monde est d'accord, en France, c'est qu'il faut aider au développement des énergies renouvelables (ENR). Le problème, c'est que les professionnels des ENR entendent favoriser l'éolien quand les parlementaires souhaitent donner la priorité au solaire et à la biomasse. Pourquoi de telles divergences d'appréciation entre les entrepreneurs et les décideurs ?

Pour André Antolini, il n'y en a qu'une : c'est l'éolienne. Lors de sa conférence de presse de mercredi (cf: Enerpresse n°7959), le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) a tenu à préciser les priorités d'action de son organisation. " Il n'y a aucun moyen de se rapprocher des objectifs fixés par la directive ENR sans l'énergie éolienne ", a-t-il martelé. Selon le syndicat, si la France veut, en 2010, produire 21% de son électricité à partir des énergies renouvelables, il lui faudra se doter d'environ 16 000 MW de nouvelles capacités " vertes ". " Et 70 à 75% de cet objectif passe par l'éolien, soutient André Antolini. Tout le reste, c'est de l'écran de fumée. "

Et le bouillant lobbyiste de se faire menaçant : " si l'on veut passer à la trappe l'éolien, il faut fermer le dossier des ENR ". Le problème, c'est que tous les acteurs du développement des énergies renouvelables ne sont pas sur la même longueur d'onde.

Bisbilles pour un tarif

Au premier rang d'entre eux figure la Commission de régulation de l'électricité (CRE). Le 5 juin dernier, l'institution dirigée par Jean Syrota émettait un avis négatif sur le tarif de reprise de l'électricité d'origine éolienne (cf. Enerpresse n°7902). Dans son avis, consultatif, la CRE considère que " le tarif proposé entraîne des rentes indues aux producteurs éoliens qui se traduiront par une augmentation significative des prix de l'électricité en France, et représente un moyen exagérément coûteux pour la collectivité d'atteindre l'objectif de développement de la filière que s'est fixé le gouvernement ". " Une contre vérité, réplique André Antolini. Je ne peux pas imaginer que l'Industrie (le ministère de..., ndIr) nous ait fait cadeau d'un tarif pour nous en mettre plein les poches ". Fin de la querelle ? Que nenni !

Le feuilleton sur la place - encore très virtuelle - de l'éolien a connu un nouvel épisode, le 15 novembre, à l'occasion de la publication d'un rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologies ( cf. Enerpresse n°7955). Consacrée précisément aux énergies renouvelables, la dernière étude des députés Jean-Yves Le Déaut et Claude Birraux s'oppose aux certitudes du président du SER. Rappelant que la politique énergétique française doit intégrer la sécurité de l'approvisionnement, les contraintes climatiques et les objectifs fixés par la directive ENR, les deux parlementaires estiment que " l'éolien n'est pas en France, ni dans aucun pays développé, la solution miracle pour couvrir l'ensemble des besoins en électricité ". Ce que l'histoire immédiate confirme. Pour répondre aux exigences européennes, la France devrait avoir mis en service 14 000 MW éoliens d'ici à 2010. Or, aujourd'hui, la capacité cumulée des pales françaises n'atteint pas la centaine de MW. Mais la divergence entre le SER et les députés ne porte pas seulement sur les moyens de produire une électricité propre. Président d'un syndicat professionnel où les partisans de l'éolien pèsent lourd, André Antolini défend les intérêts de ses membres. Ce qui est la vocation d'un groupe de pression.

Lobby contre députés

Pour les membres de l'Office parlementaire, le problème ne se pose pas ainsi. Il ne s'agit pas seulement de savoir comment produire de l'électricité verte, mais aussi et surtout de satisfaire le plus " proprement " possible tous les besoins énergétiques. Des besoins en perpétuelle croissance. Or, si I'ENR préférée du SER a assurément un rôle à jouer dans la diversification du " mix " électrique français, elle n'est d'aucune utilité pour réduire les pollutions du secteur des transports qui, en rejetant annuellement près de 40 millions de tonnes de carbone, demeure le premier émetteur du principal gaz à effet de serre (GES) en France. Raison pour laquelle, Claude Birraux estime que les principales priorités, en matière de renouvelable, " sont le solaire et la biomasse ". Pour le représentant de la Haute-Savoie, l'accroissement au maximum des cultures énergétiques permettrait de réduire, chaque année, la consommation pétrolière de 20 Mtep et de réduire d'un tiers les émissions de CO2 issues des énergies fossiles. En programmant l'installation de 200 000 chauffe-eau solaires et 50 000 toits thermiques-photovoltaïques, le plan Face Sud prôné par les parlementaires permettrait de son côté au secteur tertiaire et à l'habitat individuel de réduire sensiblement leurs émissions de GES (les troisièmes après celles des transports et de l'Industrie) à des coûts probablement moindres que ceux du développement du seul éolien, évalué à 120 milliards de francs pour 14 000 MW.

Valéry Laramée / Enerpresse, 23.11.01