La non-violence écologiste : à coups de roquettes !

(Article paru dans Industrie & Environnement N° 274, sous la plume d’E. Grenier)

 

C’est une véritable bombe qui vient d’éclater dans le monde écologiste suisse. Après vingt ans de silence, un ancien député écologiste a avoué être l’auteur de l’attentat à la roquette contre le chantier de Superphénix. Chaïm Nissim n’est pas n’importe qui : pendant 14 ans, il a été député au parlement genevois, de 1985 à 1989, puis, de 1993 à 2002. Pilier de Contratom, cet ingénieur électronicien issu de l’Ecole Polytechnique de Lausanne a été de tous les combats contre le nucléaire en général et contre Superphénix en particulier. Aujourd’hui, vingt ans après les faits, il revendique son action. S’il parle, c’est pour témoigner : " Cela fait quatre ans que je prépare le récit de cette histoire. Je voulais la raconter pour qu’elle existe en dehors de la dizaine de personnes impliquées. Pour témoigner de notre conviction qu’un " petit " peut gagner contre un " grand " de façon non-violente ". . S’exprimant dans trois journaux de la Suisse Romande (Le Courrier, Le Temps et La Liberté), il raconte son histoire, comment son petit groupe d’amis militants en est venu à envisager de passer à l’acte : destruction de pylônes et de machines de chantier, incendie volontaire d’un bureau d’ingénieurs, jusqu’à cette action contre Superphénix.

Chaïm Nissim incarne bien la curieuse conception de la non-violence écologiste, qui peut aller jusqu’à tirer sur une centrale nucléaire au lance-missile : " Pour nous, oui. Cela peut paraître difficile à comprendre… D’abord nous ne nous attaquions qu’à des biens matériels, jamais à des personnes. (…) Il y avait un autre critère qui jouait. L’ensemble du mouvement antinucléaire – sans bien sûr savoir qui avait fait le coup – n’a jamais condamné ces actions. Nous nous sentions donc légitimés et appuyés tacitement. Notre action était vue comme un complément aux autres activités : occupation de site, manifestations, information. Pour finir, la centrale a été fermée. C’est l’ensemble des efforts qui a abouti à cette victoire. " (c’est nous qui soulignons)

La collusion entre écologistes et terroristes est confirmée.

Et pour obtenir cette victoire, les écologistes ne reculent devant aucune compromission et vont jusqu’à s’adresser à des terroristes. Comment ont-ils pu les contacter, ces " baba-cool " qui n’avaient a priori rien à voir avec des révolutionnaires professionnels ? Eh bien par l’intermédiaire des milieux " autonomes ", comme toujours. Olivier de Marcellus, qui co-dirigeait à l’époque un groupe de squatters genevois, fait le lien avec les terroristes allemands et avec le groupe de Carlos, tenu à l’époque par la Stasi est-allemande. Après quelques rencontres, ces derniers décident de leur faire un " cadeau " : Un lance-missile de fabrication soviétique et huit missiles anti-char à charge creuse. C’est Nissim lui-même qui ira en prendre livraison à Bruxelles, en septembre 1981, les Cellules Communistes Combattantes ayant servi d’intermédiaire. Dans le " sordide café turc " où il les retrouve, Nissim se fait expliquer le fonctionnement de l’engin par un " consultant " à l’accent slave, sans doute un militaire russe. Nissim n’a pas l’impression de s’être fait manipuler : " Eux [les terroristes], nous et les services secrets du bloc de l’Est qui les finançaient et les entraînaient, nous avions un objectif commun : affaiblir le complexe militaro-industriel auquel Malville appartenait. " Curieuse application du slogan écologiste " penser globalement, agir localement " : pour mener à bien leur opération locale, les apprentis terroristes n’hésitent pas à entrer dans les plans des dictatures communistes.

Ce cynisme politique est accompagné du romantisme le plus exalté au service de Gaïa la mère Terre. Il faut entendre Nissim décrire son acte. " J’arme le troisième missile, je vise, je bloque mon souffle, je tire… Une flamme rouge, un léger choc, je vois le missile qui vole dans mon viseur rudimentaire, il vole comme tous les espoirs des peuples du monde, espoirs de justice et de liberté, espoir de Gaïa qui se défend contre la technocratie, espoir de la création riche et diverse qui résiste à l’avidité de l’homme, à sa bêtise. " N’avait-il pas eu peur de blesser quelqu’un, ce jour de janvier 1982 ? Pas vraiment. Il reconnaît que cette action comportait le risque de tuer qulqu’un " aussi minime soit-il ". Mais il continue à penser que son action était juste : " Oui, et c’est cela que je voulais expliquer dans un livre. (…) Si la centrale entrait en activité, elle menacerait la vie de centaines de milliers de personnes. " Et plus loin, pour se justifier encore : " Face à la violence que nous avions évitée, celle de Malville qui aurait pu tuer un million de citoyens innocents dans la région Rhône-Alpes, on peut dire que notre action fut non-violente ". C’est exactement le raisonnement adopté par José Bové pour justifier ses opérations de destruction des plantations expérimentales de l’INRA ou du CIRAD.

Toutes ces informations confirment ce qu’Industrie & Environnement a affirmé dès sa naissance en 1990, notamment sur la base de l’étude du cas allemand : il y a une collusion systématique entre groupes écologistes et terroristes. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que tous les écologistes soient des terroristes. Mais il y a une frange radicale, qui collabore avec les terroristes, qui va parfois elle-même jusqu’au terrorisme (par exemple dans le cas d’Earth First !), et qui n’est pas condamnée par les organes centraux du mouvement. Ceux-ci se refusent à briser avec les plus extrémistes en condamnant les actes commis par ceux-ci. De même que le président de Greenpeace International refusait de rompre avec Earth First ! malgré les actions violentes revendiquées par ce dernier groupe, les Verts européens n’ont jamais condamné l’attentat contre Superphénix, comme le rappelle Nissim lui-même.

Qui est Chaïm Nissim ?

Le plus inquiétant est que non seulement Nissim revendique la justesse de son action, mais qu’il présente le profil du parfait militant écologiste. Ce père de trois filles, à 53 ans, incarne toute l’ambiguïté d’un mouvement se disant non-violent mais n’hésitant pas à faire prendre des risques aux autres, au nom de la légitimité de son combat, prêt à tout pour s’opposer au " danger " du nucléaire, mais ne voyant rien à redire à la consommation de cannabis, un cancérogène puissant dont les effets sur l’équilibre mental sont connus depuis longtemps.

Dans L’Hebdo du 5 février 1998, Nissim déclarait ainsi : " Je fume depuis l'âge de 15 ans. Je cultive du chanvre dans mon jardin. Pour moi, c'est normal,il n'y a rien de choquant, il n'y a même rien à en dire. "

Nissim n’est pas du tout un marginal. On le retrouve aux côtés des ténors des Verts français (les porte-paroles Denis Baupin, Francine Bavay, Jean-Luc Benhamias et Stéphane Pocrain) pour lancer l’appel de Bellevue, où il côtoie deux autres scientifiques : Benjamin Dessus, ingénieur promoteur des " énergies douces ", comme lui, et Jacques Testart, le biologiste nommé par Dominique Voynet à la tête de la Commission française du développement durable. Cet appel intervenait à la suite du retrait des Etats-Unis du protocole de Kyoto, demandant à l’Europe de continuer seule et à promouvoir " un partenariat Nord-Sud pour un développement solidaire durable ".

A noter enfin que, si Nissim est présenté comme un révolutionnaire convaincu, il lui en manque tout de même le courage. Lorsqu’on lui demande pourquoi parler maintenant, il répond : " Je n’en pouvais plus de me taire. Maintenant, il y a prescription. C’est un facteur important car j’ai pas envie de me retrouver en taule. " A comparer à l’attitude d’un Martin Luther King ou de tant de militants des droits de l’homme, qui ont passé une partie de leur vie en prison – sans avoir jamais commis, eux, d’action violente – car ils jugeaient que leurs idées valaient la peine d’être défendues jusque là. Courageux, mais pas téméraire, l’écologiste suisse…

Si Nissim n’est plus député, il est cependant loin d’avoir raccroché : il continue ses activités d’expert pour Contratome, principale association antinucléaire suisse présidée par Anne-Cécile Reimann, dont il est très proche. Et il collabore à d’autres organisations militant contre le nucléaire et pour les énergies renouvelables. Il prépare aussi en ce moment la grande manifestation contre le G8 d’Evian, qui doit se dérouler le 1er juin. Et il se retrouve aux côtés de celui qui l’avait introduit au terrorisme : Olivier de Marcellus, grand ordonnateur suisse des violences futures… Car quand on entend les Verts genevois appeler à " une mobilisation non-violente contre le sommet du G8 ", on peut légitimement se demander ce qui va arriver, au vu de la conception qu’a Nissim de la non-violence. La " charte de la non-violence " adoptée à l’occasion par le parti écologiste prône des actions de résistances et de désobéissance civiles. Pas question de porter atteinte aux personnes civiles ou policières ni aux biens publics ou privés. " La police est notre alliée ", a même affirmé la député Sylvia Leuenberger. Mais Jean Rossiaud, du comité des Verts, a tenu à préciser que cette alliance n’irait pas jusqu’à dénoncer de façon préventive les éventuels fauteurs de trouble. Toujours cette ambiguïté…

9.05.03

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