Pourquoi des économies d’énergies ?

Par Jacques FROT

 

Les économies d’énergie sont nécessaires et possibles.

Il y a 150 ans, avant la révolution industrielle, les hommes n’utilisaient guère que " l’huile de coude et de genou ", la leur et celle des animaux, chevaux, bœufs, et même les chiens et les écureuils. Tous les objets étaient produits par leur force musculaire.

Aujourd’hui, tout est énergie puisée dans la nature. En un siècle et demi la consommation énergétique des terriens a ainsi été multipliée par 100. Le quart d’entre eux, les pays développés (OCDE), en consomment les 2/3 ; les trois autres quarts en consomment donc peu et en sont avides.

Cette grande partie de la population mondiale -les plus pauvres ou les moins riches, 4,5 milliards d’habitants sur les 6 milliards que compte notre planète- prend fort heureusement le virage du développement. Ce développement, comme celui des pays aujourd’hui riches, ne pourra se faire sans une augmentation importante de leurs consommations d’énergie.

Se posent alors simultanément deux problèmes :

  • . l’épuisement des ressources naturelles fossiles;

    . le risque très probable et gravissime d’un changement climatique rapide, important et insupportable pour les écosystèmes et pour les hommes.

  • Il est donc NÉCESSAIRE d’économiser l’énergie. Fort heureusement nous verrons que cela est POSSIBLE

    1.  
    2. LES ÉCONOMIES D’ÉNERGIE SONT NÉCESSAIRES

    L’épuisement évoqué dans notre paragraphe introductif n’est pas une vue de l’esprit : aux rythmes actuels (2000) de consommations, alors même que les _ de la population mondiale (les PVD) ont encore à faire leur développement industriel, les réserves prouvées d’énergies fossiles carbonées seraient épuisées en 40 ans pour le pétrole, en 60 ans pour le gaz, en 200 ans pour le charbon. Or ces 3 sources d’énergie représentent ensemble 80% du bilan énergétique mondial.

    Certes, il y a, pour ces énergies fossiles carbonées, d’autres ressources, non prouvées mais probables : elles multiplient par 4 ou 5 les quantités totales d’énergies fossiles carbonées que l’on peut espérer extraire du sous sol de notre planète.

    Mais, si les pays en développement (PVD) s’acheminaient vers des consommations identiques à celles actuelles des pays riches (OCDE), alors la consommation mondiale serait multipliée par 4 ou 5 : au total, les ressources probables mais non prouvées, ajoutées aux réserves prouvées disparaîtraient en quelques décennies. Plus vite encore si l’on tient compte du développement démographique : la population mondiale actuelle (6 milliards d’habitants en 2000) croîtra, selon les démographes, jusqu’à une valeur médiane de 9 milliards dans le courant de la 2ème moitié du siècle. La simple extrapolation au monde entier de ce qu’est aujourd’hui la consommation énergétique dans les pays développés conduirait à une disette certaine, proche et douloureuse.

    Le changement climatique menace le monde : le charbon, le pétrole et le gaz naturel (ce que nous appelons ici les " énergies fossiles carbonées ") sont essentiellement composées de carbone. Leur transformation en chaleur (puis en énergie mécanique) se fait avec l’oxygène de l’air d’où fabrication de gaz carbonique (CO2). Le CO2 n’est pas toxique mais freine le cheminement des infrarouges, ce rayonnement thermique basse température par lequel notre globe restitue vers l’espace l’énergie thermique qu’il reçoit du soleil. Un forçage radiatif, que seul peut engendrer une augmentation de la température, vient compenser ce freinage et assurer l’équilibre thermique faute duquel la température de notre globe augmenterait indéfiniment. C’est le phénomène de l’accroissement de l’effet de serre : un peu plus de _ degré C sur le 20ème siècle. L’effet de serre est une bénédiction : sans lui la température moyenne du globe serait -18°c au lieu des +15°c que nous connaissons. ; mais son accroissement rapide, dû très largement aux combustibles fossiles carbonés, pose un problème qui peut devenir dramatique.

    Il est donc nécessaire de réduire de façon drastique et " urgentissime " les consommations de pétrole, de gaz et de charbon. Cette réduction ne pourra se faire qu’en réduisant nos consommations d’énergie en général et en augmentant le recours à des énergies non carbonées (ER et nucléaire). Dans ce cas des investissements massifs seront nécessaires, qu’il y a tout intérêt à limiter autant que faire se peut. Dans tous les cas c’est donc l’énergie qu’il faut économiser, quelles qu’en soient la forme et les sources.

     

    LES ÉCONOMIES D’ÉNERGIE SONT POSSIBLES

    Les pays de l’OCDE se sont développés avec une énergie bon marché : en 1972 , et ce depuis la fin de la 2ème guerre mondiale,  le prix du baril de pétrole tournait autour de 2$ de l’époque soit, en $ constants, quelque 15 fois moins cher que fin 2004 ; même chose pour le gaz naturel. C’est ainsi que les pays aujourd’hui riches (OCDE) se sont développés depuis 150 ans dans un contexte de gaspillage énergétique. La première crise du pétrole (1973) les a mis sur le chemin de la sagesse : ils ont alors entrepris ou intensifié des efforts de réduction de leur intensité énergétique (quantité d’énergie consommée par unité de PIB). Ces pays seraient bien inspirés d’aider sans tarder les PVD à se développer directement dans un contexte de faible intensité énergétique, sans passer par l’étape du gaspillage.

    En France, l’immédiat après crise de 1973 a montré que les économies d’énergie sont possibles rapidement.

    L’étude Energie 2010-2020 du Commissariat Général au Plan montre que les Français pourraient quasiment diviser par 2 leur consommation d’énergie sans pour autant réduire leur qualité de vie. Des économies très importantes sont possibles : certaines à court terme et sans investissement, d’autres à plus long terme et moyennant des investissements parfois lourds.

     

    A court terme :

    Le résidentiel et le tertiaire recouvrent les services, les bureaux et l’habitat: il s’agit là du plus important secteur de consommation, plus de 40% de la consommation française, près de 2 fois plus que l’industrie ! Le gaspillage y est gigantesque : dans l’éclairage (une ampoule allumée inutilement dans chaque foyer français correspond au fonctionnement de 2 réacteurs nucléaires) ; même chose dans les bureaux qui trop souvent restent inutilement éclairés la nuit… et le jour ! Même chose avec les téléviseurs qui fonctionnent trop souvent sans que personne ne les regarde ! En matière de chauffage, 22°C au lieu de 19 c’est 20% de consommation supplémentaire évitable avec un pull-over et une couette. Une douche au lieu d’un bain c’est diviser par 10 la consommation d’eau chaude donc d’énergie… Les exemples sont multiples. Ces économies sont possibles rapidement, par simple discipline. Leur impact, souvent positif pour la santé, sera vite significatif sur le porte-monnaie du consommateur.

    Les transports c’est près de 1/3 de la consommation énergétique française et, pour la route, les 2/3 des produits pétroliers consommés en France. Un exemple simple : traverser la France en TGV c’est consommer 4 fois moins d’énergie (en l’occurrence ce sera une électricité quasiment non génératrice de gaz à effet de serre) qu’en voiture et 6 fois moins qu’en avion ! Rouler 20 km/h moins vite c’est consommer 20% de moins. Dans les grandes villes métro, bus, tramways et RER (Paris) consomment 4 à 5 fois moins que la voiture particulière etc…, sans parler du vélo, des rollers, des patins à roulettes et de la marche à pied.

     

    A moyen et long termes

    Les industriels, motivés par leur objectif de compétitivité et de profit, ont, de tous temps, et encore plus depuis la crise pétrolière de 1973, recherché des économies d’énergie. Si bien que ce n’est pas dans ce secteur qu’il faut espérer des économies supplémentaires spectaculaires. Toutefois l’augmentation des coûts énergétiques, constatée aujourd’hui, durable et qui n’est pas terminée, tant s’en faut, justifiera des investissements générateurs de performances énergétiques encore améliorées. En particulier la production d’électricité connaîtra &emdash;elle connaît déjà- des rendements électriques améliorés grâce aux cycles combinés (plus d’électricité) et à la cogénération (utilisation de la chaleur résiduelle).

    Dans le résidentiel et le tertiaire, les bâtiments existants seront renouvelés sur une période de 50 à 100 ans et remplacés par des constructions beaucoup plus efficaces en matière d’isolation : leurs consommations de chauffage et de climatisation seront réduites de moitié, voire mieux encore. Le matériel électroménager, renouvelé sur une dizaine d’années sera également de moins en moins " énergivore ".

    Dans le transport les camions devront être progressivement mais sûrement remplacées par le fer (le ferroutage), le fluvial et le cabotage maritime. En ce qui concerne le transport des personnes on peut croire qu’à un horizon de quelques décennies le chemin de fer Grande Vitesse se substituera à l’avion pour les transports continentaux.

     

    Tout est énergie donc tout gaspillage est gaspillage énergétique. Notre société de consommation, les modes, le dernier cri, les bas prix nous conduisent à jeter des objets non usagés : nous fabriquons de l’obsolescence anticipée et "énergie-vorace".