LA TERRE SOURCE DE CHALEUR
1 Structure du globe
Nos observations directes ne concernent que les premiers kilomètres de notre planète. Au-delà, notre connaissance repose essentiellement sur l'étude des phénomènes de propagation (réfraction et réflexion) des ondes sismiques naturelles issues des tremblements de terre, ou provoquées lors des explorations géophysiques.
On distingue généralement trois "enveloppes"principales dans la structure du globe en fonction de la composition et de leurs caractéristiques physiques : au centre, un noyau, autour un manteau, enfin à la surface une peau très particulière puisqu'elle supporte l'eau, mais laisse quelquefois s'échapper le feu, la croûte ou écorce
L'ensemble du noyau, solide au milieu, liquide autour, représente seulement 16 % du volume total avec un rayon de l'ordre de 3 470 km, mais 67 % de la masse terrestre. Composé surtout de nickel et de fer, la température du noyau pourrait dépasser 4 000 °C en son centre avec des pressions de plusieurs millions de bars.
Autour du noyau, sur une épaisseur de 2 900 km, le manteau représente plus de 80 % du volume du globe. D'une densité moyenne voisine de 5, sa température varie de 1 000 à 3 000°C. Du point de vue des propriétés mécaniques des roches qui le constituent, il est possible de distinguer la partie supérieure du manteau qui est solide, de la partie inférieure plus plastique.
L'écorce (ou croûte) est l'enveloppe 1a plus
superficielle, son épaisseur et sa densité varient,
selon qu'il s'agit de zones continentales ou océaniques :
- zone continentale : densité moyenne 2,7 et épaisseur
de 30 à 70 km ;
- zone océanique : densité moyenne 3,3 et
épaisseur de 5 à 20 km.
L'écorce est la seule partie qui a pu être explorée directement par forage ; les plus profonds n'excèdent pas toutefois 10 km.
L'écorce et la partie supérieure du manteau constituent la lithosphère. Cet ensemble riide, repose sur une couche plus fluide située entre les parties supérieures et inférieures du manteau appelée asthénosphère, et dotée de mouvements de convection lents et réguliers. La lithosphère solide est fragmentée en plusieurs plaques mobilisées par les mouvements au sein de l'asthénosphère.
Des dégagements importants de chaleur se produisent aux frontières de ces plaques qui se manifestent notamment par une activité volcanique et des intrusions magmatiques. Certaines plaques s'éloignent les unes des autres, dans des zones dites d'accrétion. Ce phénomène se produit essentiellement sous les océans, mais se prolonge parfois en zone émergée comme en Islande. Lorsqu'une plaque s'enfonce sous une autre, on parle de zone de subduction ; les principales régions concernées sont : la façade ouest du continent Sud américain, la Nouvelle-Zélande, l'Indonésie, les Philippines, le Japon, le Kamtchatka,...
- diamètre moyen : 12 740 km
- volume : 1,083. 1021 m3
- densité moyenne : 5,52
- masse totale : 5,978 1024 kg
2. Gradient géothermal
La valeur de l'accroissement de température en fonction de la profondeur en sous-sol est désignée par le terme de "gradient géothermal". Cet accroissement de la température avec la profondeur est un phénomène bien connu couramment observé par les mineurs de fond.
Le gradient moyen est de l'ordre de 3 °C par 100 m, mais il peut dans certaines zones instables (frontières de plaques lithosphériques) avoir des valeurs nettement supérieures.
Même dans les zones continentales stables on peut noter des variations importantes de gradient (en France : 2°C/100 m au pied des Pyrénées, 10 °C/100 m au nord de l'Alsace). Cette variation témoigne de l'existence d'un flux de chaleur se dissipant à la surface de la terre. Mais cet effet n'est guère perceptible à nos pieds, la variation de la température du sol dans les premiers mètres est essentiellement due au rayonnement solaire dont le flux est 7 000 fois plus important que celui en provenance du centre de la terre. I1 faut noter néanmoins que l'influence du rayonnement solaire n'excède pas une vingtaine de mètres de profondeur.
Dans les régions géologiquement stables, l'énergie est essentiellement dissipée par conduction, le flux thermique associé au gradient de 3°C / 100 m est de l'ordre de 60 mW/m2.
Dans les zones géologiquement actives, les roches en fusion se rapprochent ou atteignent la surface. A la faveur de fissures et fractures dans la croûte, le gradient peut atteindre 50 °C par 100 m et le flux thermique 1 W/m2.
En France, le flux thermique varie de 40 à 140 mW/m2 avec une moyenne proche de 100 mW/m2, valeur supérieure à la moyenne européenne qui est de 62 mW/m2.
3. Origine de la chaleur
Contrairement à une idée largement répandue, l'essentiel de la chaleur dégagée par la Terre ne provient pas du refroidissement du noyau, les roches intermédiaires étant de très mauvais conducteurs de chaleur.
On considère qu'il existe deux phénomènes principaux expliquant l'origine de la chaleur rencontrée dans la croûte terrestre :
- la désintégration des éléments radioactifs contenus dans les roches,
- le refroidissement qui correspond à la dissipation de l'énergie dite "primitive".
Désintégration des éléments radioactifs :
On estime que la désintégration des éléments radioactifs contenus dans la croûte représente à elle seule plus de 90 % de l'énergie dissipée.
Cette théorie s'appuie sur le pourcentage présumé d'éléments radioactifs contenus dans les structures terrestres.
Parmi les éléments radioactifs encore présents aujourd'hui et ayant une production de chaleur significative, on peut citer : l'uranium, le thorium et le potassium.
Elément Production de chaleur (w/kg) Période ( 10 9 années)
Uranium 235 5,69 10-4 0,70
Uranium 238 9,37 10-5 4,47
Thorium 232 2,69 10-5 14,0
Potassium 40 2,79 10-5 1,25
Certains éléments à courte période ont pu exister au moment de la formation de notre planète, et ainsi contribuer à l'importante émission de chaleur primitive, mais ils ont disparu depuis longtemps.
La chaleur émise par la fission des éléments radioactifs varie évidemment avec la composition chimique des roches. Par exemple, la chaleur dégagée par les granites est environ trois fois plus élevée que celle des basaltes.
Etant donné leur désintégration, le nombre des éléments radioactifs est en constante décroissance depuis le début de la formation du globe (4,5 milliards d'années), produisant un dégagement de chaleur en régulière diminution. Compte tenu de leur durée de vie différente, et de leur présence en proportions diverses à l'origine du globe terrestre, la part du dégagement de chaleur due à chaque élément a changé au fur et à mesure du temps.
Au cours des différents âges, l'ordre d'importance des radioéléments dans la production énergétique a été modifié. Pendant les deux premiers milliards d'années, le potassium puis l'uranium 235 et 238 ont été responsables du maximum de chaleur produite. Aujourd'hui, ce sont le thorium puis l'uranium 238 qui dégagent le plus de chaleur.
On estime que le flux total de chaleur a été divisé par deux depuis l'origine ; il est passé de 42.106 MW à 20.106 MW. Ce phénomène naturel très lent signifie que globalement notre planète se refroidit progressivement.
Dissipation de l'énergie primitive (ou énergie résiduelle) :
La formation de notre planète, il y a 4,5 milliards d'années, résulte d'une phase dite d'accrétion, correspondant à l'agrégation de gaz, de poussières et de divers corps célestes. L'énergie considérable accumulée dans la masse correspond à l'énergie potentielle issue de la condensation de la terre.
Actuellement, il semble que le noyau externe, liquide, se cristallise lentement et que le fer ainsi formé descende au centre pour grossir le noyau interne ou "graine".
La différenciation interne du globe due à la redistribution des masses à l'origine du noyau, du manteau et de l'écorce a nécessité des déplacements de matière, avec dissipation d'énergie, qui ont contribué, et contribuent certainement encore aujourd'hui mais de manière atténuée, à accroître la quantité interne de chaleur produite.
4. Potentiel de chaleur utilisable
Le flux géothermal est en général trop faible pour être utilisé directement ; l'exploitation de l'énergie géothermale passe par l'utilisation de chaleur stockée depuis des millions d'années dans l'écorce terrestre. C'est une énergie partiellement renouvelable sur son site d'exploitation, offrant un stock global de chaleur considérable. Les ressources géothermales classiques reconnues représentent 60 milliards de tep, les ressources potentielles ont été évaluées à 700 milliards de tep. La quantité d'énergie moyenne des roches par km2 sur une profondeur de 10 km représente environ 15 millions de tep.
Globalement, la terre fonctionne comme une grosse machine thermique indépendante, dans laquelle se superposent des mécanismes simultanés de production interne et de dissipation externe de chaleur, le deuxième processus étant quantitativement un peu plus important que le premier. Le léger déséquilibre thermique qui en résulte conduit finalement à un refroidissement très lent du globe depuis plusieurs milliards d'années, mais suivant un régime dans l'ensemble stable et régulier.
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Extrait de "La géothermie, une énergie d'avenir &endash; une réalité en Ile de France"
Réalisé par l'ARENE (Agence Régionale de l'Environnement et des Nouvelles Energies) Ile de France, en collaboration avec l'ADEME et le BRGM Edité en 1998