
Ces
écolos qui défendent le nucléaire
Source : Le Figaro Magazine - article de Christophe Doré,
publié le 26/11/2011
Défenseurs historiques de la
nature, ils pensent que l'atome s'impose
pour lutter contre la pollution des énergies fossiles.
Eh oui, les fervents défenseurs de la nature
favorables au nucléaire existent. Dans son dernier livre,
Nouvelles histoires naturelles (JC Lattès), Jean-Louis Etienne
synthétise leur position: le nucléaire s'imposerait aujourd'hui
comme une solution obligée pour produire de l'énergie propre.
«L'atome est en soi une ressource énergétique naturelle dont on
aurait tort de se priver», soutient l'explorateur. Ses arguments
sont précis: «D'abord, aucune autre technologie n'est assez mature
pour produire massivement de l'énergie propre. Ensuite, le
nucléaire ouvre des perspectives intéressantes avec les réacteurs
de quatrième génération, capables de recycler les déchets(il
évoque ici Astrid, prototype de réacteur à neutrons rapides au
sodium, qui permettrait une gestion durable des déchets par
transmutation d'ici à 2020, ndlr). En fait, nous sommes au milieu
du gué: faut-il renoncer maintenant, alors que l'on peut imaginer
une exploitation de l'énergie atomique compatible avec un
développement durable?» Jean-Louis Etienne affirme avoir
constaté concrètement les effets inquiétants du réchauffement
climatique pendant ses explorations aux pôles: «Le CO2 est le pire
des déchets. Il est diffus, incontrôlable... Il a des conséquences
rapides sur l'environnement... Les déchets nucléaires, eux, sont
identifiés, localisés, gérables et peut-être réutilisables à
terme.»
En son temps, l'ex-candidat écologiste Nicolas
Hulot tenait également un discours assez favorable au
nucléaire; il se déclarait, par exemple, moins inquiet à propos
des déchets radioactifs que des résidus chimiques.
Bruno Comby, polytechnicien
et ingénieur en génie nucléaire, préside depuis quinze ans l'Association des
écologistes pour le nucléaire (AEPN). Loin
de réunir un quarteron d'environnementalistes, cette association
internationale rayonne dans une soixantaine de pays, avec quelque
10 000 membres. Des personnalités influentes et respectées sur les
questions environnementales, tel Patrick
Moore, cofondateur du mouvement Greenpeace en 1971, en
font partie.
Le penseur de l'écologie
moderne, James Lovelock, est pronucléaire lui aussi.
James
Lovelock, né en 1919, considéré comme l'un des penseurs
historiques de l'écologie moderne, est également membre
de l'AEPN.
Cet environnementaliste spécialiste de l'atmosphère a imaginé les
instruments permettant de mesurer les variations de la couche
d'ozone. Il est surtout célèbre pour sa théorie de Gaïa,
définissant la Terre comme un être vivant capable de se réguler
afin de maintenir à sa surface les conditions idéales pour la vie.
Pour lui, les atouts de l'industrie nucléaire sont sans commune
mesure avec ceux des combustibles fossiles. «Aucune source
d'énergie n'est totalement sûre, même les moulins à vent ne sont
pas exempts d'accidents fatals», soutient le scientifique avant de
poursuivre au sujet du nucléaire: «Il n'y a pas d'autre solution
viable, propre, écologique et économiquement acceptable à la
dangereuse habitude que nous avons prise de brûler des
combustibles fossiles.»
Jean-Louis Etienne partage
cette conviction : «Je crois aux sciences et aux techniques et
j'ai confiance en l'intelligence de l'homme. L'atome va nous aider
à sortir de notre société carbonée, qui n'a pas d'avenir à long
terme. Si nous renonçons au nucléaire maintenant, je redoute le
pire: les États-Unis, l'Inde, la Chine et aussi la Russie ont des
réserves de charbon énormes. Ils vont les utiliser. C'est un
scénario inéluctable. L'avenir nous pousse à soutenir les énergies
renouvelables, mais nous ne sommes pas capables de stocker de
grosses quantités d'électricité issues du soleil, de la mer, du
vent, des rivières...»
En résumé, pour ces écologistes d'un autre
genre, le nucléaire civil s'impose comme un passage
obligé pour ralentir le réchauffement climatique, voire comme une solution majeure dans le «mix énergétique»
pour traverser durablement le siècle.
Par Christophe Doré